La
Sainte-Catherine, au Canada, c’est la fête des jeunes filles, celles des vieilles aussi; car, comme les premières, elles sont des fleurs charmantes avec cette légère différence qu’elles se sont un peu étiolées sur leur tige, enfin, la Sainte-Catherine, c'est un petit
Jour de l'an.
Or, ce jour-là, c’est grand gala pour la marmaille; ce jour-là, on pardonne un peu partout, on se rapproche des siens, on oubli, on fait ripaille, on se barbouille de tire, on chante et l’on s’aime davantage; en un mot on est plus normand, plus breton, plus picard, c’es-à-dire beaucoup français.
À la compagne, la coutume s’est mieux conservée que dans les grandes villes.
Dans les familles, on se réunit entre voisins. Des fricots formidables sont organisés de longue main. De bons plats de ragoût, succulent, épaissi à l’amidon, du pain de ménage, des pommes fameuses, ornent les tables autour desquelles les convives s’asseyent. (…)
Ce jour-là, on donne des petite3s soirées, où l’on danse et comme on ne veut pas « coiffer sainte Catherine », les belles jeunes filles ont plus de tendresse; les idylles vont grand train; on se fiance, et le dimanche suivant le prône de monsieur le curé est chargé de nombreuses publications de bans. (…)
Dans notre pays, tant que nos belles jeunes filles auront le caractère harmonieux comme les lignes, l’âme profonde et douce comme leurs yeux, le cœur jeune et délicat et tendre comme leurs vingt ans, le nombre de vierges tardives sera petite et les honnêtes gars canadiens, au lieu de fuir ne chercheront qu’à tomber dans l’embuscade idyllique où le bonheur se tient discrètement caché.
La Presse, 25 novembre 1906.