J’ai un pressentiment. Je serre les ganses de mon sac à main. On arrive à McGill. La pub immense le confirme. Un type, accoté aux portes de derrière, se précipite à la sortie et s'empare de mon sac. J’étends ma jambe et je croque le salaud. Il s’affale sur le quai, la tête de côté. Je me laisse tomber à genoux sur son dos et lui mets une main dans la face et l’autre sur le haut de sa tête. Je le maintiens solide au sol. En prenant une grande respiration, je crie le plus fort que je peux, direct dans son oreille.
– T’es un hostie d’christ d’égoïste !
Je sens que mes sifflements font effet. Je récupère mon bien et monte vers la sortie la plus près. Du coup, je suis calme. Je m’installe à une terrasse, commande un café au lait et remercie la vie de m’avoir donné cette force. Je bois tranquillement en regardant la foule. Automobilistes enragés, camionneurs blindés, piétons lunatiques et cyclistes non respectueux, forment une courtepointe urbaine qui, aujourd’hui, ne m’étouffe pas. Malgré sa lourdeur, ce tissu social est presque diaphane. Bref, un rare moment. Je me lève et marche vers la caisse en fouillant dans mon sac pour régler la note. Je fouille, rien. Je dépose le sac à la caisse et commence à faire l’inventaire de mon stock. Mon portefeuille n’y est pas.
J’ai soudain le souvenir d’une femme qui s’empresse de me redonner mon sac à main durant mon intervention avec le salaud. Elle avait, par mégarde, trébuché dessus en sortant du métro. Elle m’avait aussi crié : « Bravo, vous faites bien de vous défendre ! »