Sans être trop existentialiste (ça ne me va pas semblerait), je reste consciente de mon environnement; chaque jour, je marche sur une planète qui fait partie d’un système solaire dans l’univers. J’essaie de garder la tête froide. Comment voulez-vous définir quelque chose ou quelqu’un de normal tandis que notre situation est purement accidentelle. Un heureux mélange dû au hasard. Voilà pourquoi le fait de me déplacer géographiquement sur la terre, le gazon, le sable, la mousse, l’eau, est au-dessus de mes forces quand j’y pense un moment. Je ne sais juste pas quoi faire avec toutes ces informations : les particules, les atomes, l’azote, les minéraux, les photons, les gaz, le plancton, la chlorophylle, aaaah !
Quand on a en arrière-plan l’évolution de la matière et la complexité de la structure moléculaire des espèces, s’arracher les cheveux pour un bouchon sur la 10, faire le choix d’un tablier qui s’agence avec les couleurs de la cuisine ou sortir de ses gonds pour une pinte de lait vide devient complètement absurde. Ce ne sont pas de bons exemples, ils sont absurdes, qu'on habite Mars ou Saint-Norbert-De-Mont-Brun ! Quand je quitte ma tanière trop tôt pour aller au boulot et que j’entre dans l’édifiante heure de pointe, je ne peux m’empêcher de voir cette image du troupeau qui marche lentement vers l’abattoir. Parfois, juste pour rire, je beugle tout bas un long soupir. On se retourne pour voir et moi aussi. Le bétail est l’image classique. Je vois également de la viande qui se déplace puis des milliards de cellules qui se régénèrent et se dégénèrent. Des peaux mortes, vivantes ou cancérisées, de la kératine au vent, gonflée de mousse tenue extra-forte et parfois, des humeurs agréables.
Malgré ma fascination, j’aime de moins en moins mon prochain même s'il est peu banal lui aussi. Certaines personnes ne consomment que de l’énergie, ne donnent et ne contribuent en rien à l’évolution et/ou l’humanité. Ce qui m’amène à ne pas avoir le goût d’offrir quoi que ce soit à autrui sauf à mes très proches et quelques amis et encore, je me surprends à compter mes peines et mes pas. Ce pli est mauvais. Je passe alors à l’étape de l’indifférence. Comme d’habitude cela me donne un air de pas intéressée tandis que c’est tout ce qu’il y a autour du morceau de viande (pas l’humain dans ce cas-ci, mais un concept abstrait généralement convoité ou un produit de consommation) qui m’intéresse; le grain du bois de la table, la nappe de soie rouge, le verre, la mouche verte, le manche du couteau en corne soigneusement travaillé, la porcelaine peinte à la main et la lumière qui donne le ton. En se tamisant, certains éléments disparaissent et d’autres me chatoient l’œil qui aime ce qui brille dans la pénombre. Je pense tout à coup aux vagues d’éperlans qui roulent au clair de lune.
Quand Tête de Blé m’amène dans les campagnes aux collines et vallées bien roulées et moulées dans leurs robes vertes, mon être entier est comblé. Qu’il soit hostile ou luxuriant, l'environnement offre tellement de féeries qu’il est presque impossible de s’ennuyer dans un carré de sable. Quand je visite un coin de pays où la nature s'offre à moi, je ne peux m'empêcher de prendre congé de mes amis quelque temps pour aller explorer l'écosystème environnant. Chercher, découvrir et explorer est ce que je sais faire le mieux. Où je peux me donner entièrement et avec une patience infinie. Couchée à plat ventre pendant cinq heures pour voir surgir une cigale de la terre, oui. Oh oui. « Quatre années de rude besogne sous terre, un mois de fête au soleil, telle serait donc la vie de la Cigale. Ne reprochons plus à l'insecte adulte son délirant triomphe. Quatre ans, dans les ténèbres, il a porté sordide casaque de parchemin; quatre ans, de la pointe de ses pics, il a fouillé le sol; et voici le terrassier boueux soudain revêtu d'un élégant costume, doué d'ailes rivalisant avec celles de l'oiseau, grisé de chaleur, inondé de lumière, suprême joie de ce monde. Les cymbales ne seront jamais assez bruyantes pour célébrer de telles félicités, si bien gagnées, si éphémères. »*
À différents points sur la planète, j'ai scruté la faune, la flore et les minéraux de quelques écosystèmes. Chaque élément est important là où il se trouve. Chaque élément est bouleversant là où il se trouve. Enfant, je m'imaginais géante enjambant les montagnes et les campagnes pour les prendre dans mes bras. Encore aujourd'hui je vois cette image. Je frise la folie quand je pense à tout ce qui m'entoure. C'est trop.
* Souvenirs entomologiques, Jean-Henri FABRE, 1897, Vème Série, Chapitre 17.
5 commentaires:
Ton billet me réconcilie avec ce matin merdique. Merci.
De rien, vraiment.
... et moi avec l'embouteillage et le détournement du trafic pour cause de déversement de matières lourdes sur un véhicule et son (malheureux) chauffeur. (soupir). J'ai hâte de scruter la cigale, le tamia et la pintade. L'escargot aussi, il va sans dire.
Ça va être si bon la chaleur, Mil. Si bon !
J'm'en viens là, avec ma lettre d'amour.
Oah… Je croyais que ça l'était, ta lettre d'amour, Doodle. Chus tout émou.
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